DEUX APPROCHES DU CINEMA : Caméo versus U.G.C.

 

 

 

 

 

SOMMAIRE

MON PROJET

Brièvement

Mes motivations

Pourquoi ce sujet s’insère dans le projet de mon cours d’humanités ?

Quels sont mes objectifs, quel est mon protocole ?

ENTRETIEN AVEC MONSIEUR MICHEL HUMBERT DU CAMEO

LE NON-ENTRETIEN AVEC MONSIEUR MICHEL MERCERON DE l'U.G.C.

ETUDE COMPAREE DES DEUX CENTRES DE PROJECTION

L'apparence des salles

Apparence du Caméo ou Cinéma Paradisio

Apparence des salles U.G.C. à Nancy ou les bureaux de Wall Street

La programmation des salles

Programmation du Caméo : de Hong-Kong à Tunis en passant par Amsterdam

Programmation de l'U.G.C. : de New-York à Paris sans escale

LES PAILLETTES D'UN ERSATZ DE LA FOIRE HOLLYWOODIENNE

UN CHOIX DE CINEMA EN FONCTION DU SPECTATEUR

Un barbare au ciné

Les travers du cinévore

Le quidam

MES CONCLUSIONS

 

 

MON PROJET

Brièvement

Mon propos est de présenter au lecteur deux univers qui s’articulent autour du cinéma. Je présenterai donc deux organismes qui exercent de façon indéniable une activité commune : projeter des films de cinéma. J’ai naturellement choisi de présenter le Caméo ainsi que l’U.G.C. de Nancy. En effet, ce sont les seuls entreprises de projection cinématorgraphique à Nancy. En étudiant la manière dont ces deux cinémas proposent le cinéma, j'essayerai de dégager certaines tendances actuelles du cinéma, mais aussi du comportement de son public qui est impliqué dans ces tendances.

Mes motivations

  1. Je ne me sentais pas assez motivé pour décortiquer un style cinématographique, pour m'intéresser à un réalisateur particulier, ni à un film cinématographique particulier. Il me fallait donc trouver une motivation autre : je préférai donc m'intéresser au cinéma en tant que centre d'affaires des directeurs de salles de projection. Je voulais également rencontrer des responsables de ces salles pour me forger une opinion concernant leur profil et leur état d'esprit.
  2. Dans une société où, très souvent, l’intérêt financier prime sur l’intérêt général, quelle place les responsables des salles de projection de films cinématographiques font-ils aux différents genres de films ? Est-ce qu'une fois encore la production de masse va de nouveau s’imposer vis-à-vis des minorités ? Deux questions en suspens.
  3. Enfin, je m’étais toujours demandé : pourquoi est-ce que les cinémas dits "d’Art et d’Essai" ne se rapprochent-ils pas des grosses chaînes de salles de projection ? Et vice-versa. Je voulais en savoir plus...

Pourquoi ce sujet s’insère dans le projet de mon cours d’humanités ?

Ce sujet s’insère dans mon cours d’humanités concernant « Le cinéma en questions » puisqu’il me permet de présenter deux visions du cinéma. Ce projet ne s’intéresse pas à certains films cinématographiques particuliers mais bien plus aux genres de ces films et à la manière dont ils sont perçus par le public. Ainsi, ce projet s’intéresse plus au cinéma en tant qu’institution plutôt qu’au cinéma en tant que septième art.

Quels sont mes objectifs, quel est mon protocole ?

Pour mon projet, j'avais décidé d'aller enquêter sur place et prendre rendez-vous avec les responsables protagonistes de deux salles de diffusion cinématographiques : Monsieur Merceron pour l’U.G.C. de Nancy ainsi que Monsieur Humbert pour le Caméo. Ces entretiens étaient destinés à me permettre de mieux cerner la manière dont ces deux personnes appréhendent le cinéma. Pour cela, je m'étais imposé de préparer une série de questions afin de pouvoir me forger une opinion relativement objective concernant l’attitude de ces personnes vis-à-vis du cinéma et de son rôle. Ce questionnaire devait à lui seul représenter l’axe de ma réflexion puisqu’il devait s'avérer déterminant sur les éléments d’étude dont je disposerais concernant mes conclusions. Malheuresement et on le verra par la suite, je n'ai pu obtenir totalement ce que je souhaitais.

Après ces deux entretiens, je comptais m’efforcer de présenter de la manière la plus objective possible les deux approches que ces deux pourvoyeurs de films proposent. Je comptais donc aborder la vision qu’ils proposent du cinéma, de son ou de ses rôles, de sa position actuelle dans notre société française.

Enfin, je comptais m'attacher au comportement du public et ainsi axer quelque peu ma réflexion sur l’aspect social et culturel du cinéma actuel en France puisqu'il me semble que les responsables de cinéma sont aussi à l'écoute de la demande du public et qu'il existe de cette manière une adéquation entre ce qui est demandé et ce qui est diffusé en matière de films cinématographiques.

La manière dont j'aborde ce thème peut paraître un peu désuète mais j'ai tenu à la conserver : en effet, afin que le lecteur puisse se forger sa propre opinion, j'ai préféré présenter alternativement et dans des paragraphes séparés la position de chacun des deux cinémas nancéens afin de ne pas entremêler des milieux qui n'ont parfois pas grand chose en commun.

ENTRETIEN AVEC MONSIEUR MICHEL HUMBERT DU CAMEO

Voici donc les questions et les points que j’ai abordés mors de mon entretien avec Monsieur Humbert, Directeur du Caméo. Cette personne a accepté de m'accueillir sans rechigner et je l'en remercie.

EM. - D’où vient le nom "Caméo" ? Etes-vous dépendant d’autres salles ou êtes-vous sous la tutelle d’une maison-mère ?

MH. - « Ce terme semble provenir du nom attribué à l’apparition brève mais non furtive d’un acteur ou du rôle d’un acteur voire d’une star dans une pièce d’intermezzo. Le Caméo de Nancy est un cinéma indépendant. »

EM. - Existe-t-il un genre de film que vous ne voulez pas voir projeter dans vos salles ? Quel est au contraire le type de films cinématographiques dont vous souhaiter favoriser la projection ?

MH. - « Les seuls films que je ne passe jamais dans mes salles sont les films qui prennent les spectateurs pour des crétins ». Monsieur Humbert privilégie la projection de films « qui ont une écriture cinématographique, un intérêt sociologique ou qui font découvrir une cinématographie d’un pays qui a une cinémotagraphie plus difficile. »

EM. : - Quelle est selon-vous l’image de marque qui vous caractérise ?

MH. - « Films de qualité, rapport de confiance au spectateur. »

EM. : - N’avez-vous pas l’impression que le cinéma s’oriente de plus en plus vers une activité qui en fait appel à l’intellect du spectateur plutôt qu’à sa sensibilité artistique ?

MH. - « Le cinéma est à la fois un art et une industrie. Quand c’est un art, il fait ressentir les choses intelligemment au spectateur avec sa tête, son cœur et éventuellement son ventre; et quand c’est une industrie qui vise au plus court, à faire des choses qui tournent à la médiocrité, qui interpellent le spectateur trivialement au niveau du ventre. » Selon Monsieur Humbert, aujourd’hui il existe une sorte de mépris vis-à-vis des intellectuels.

EM. : - La richesse du cinéma semble résider en partie dans sa diversité : pourquoi ne pas s’en tenir là au lieu de déclarer constamment la guerre aux « (...) ogres (...) » comme U.G.C. ? Est-ce que le Caméo se porte bien (au niveau de sa fréquentation, de ses finances ) ?

MH. - « Il y a deux aspects dans le cinéma. Il y a un aspect qui demande un peu de curiosité et d’effort, un autre qui tient à l’aspect de consommation. Si vous installez des hypermarchés qui sont capables de tout montrer, que reste-t-il aux autres à montrer : la même chose que ce qu’il y a dans les hypermarchés ! Sauf que quand les hypermarchés galvaudent la marchandise, c’est-à-dire mélangent tous les produits, le consommateur ne s’y retrouve pas, il va falloir un certain cinéma, et le peu qui y va suffit pour déséquilibrer financièrement le travail qu’on peut faire. Donc, si on ne déséquilibre pas les grandes affaires on risque de disparaître ; si on disparaît, en amont on ne fait plus de films qui correspondent à ce que l’on a envie de montrer et il n’y a plus de distributeur non plus. Donc on change complètement la donne, ce qui fait que ce que l’on appelle "cinéma grand-public" montre éternellement et éternellement les mêmes films. Un Américain en pousse un autre et remplace un autre Américain assez automatiquement et assez souvent. Le Caméo équilibre correctement ses finances. »

EM. : - Pouvez-vous m’expliquer rapidement pourquoi il n’existe pas d’alliance entre les cinémas d’Art et d’Essai et les grosses chaînes de cinéma ?

MH. - « Parce que dans le système capitaliste, l’argent est au poste de commandement et que celui qui en a beaucoup en veut encore plus ; donc élimine les autres : nous sommes dans un système de prédateurs. Et peu importe la nature de la chose avec laquelle on travaille, tout est traité comme du produit. D’ailleurs à côté des petits pois, il y a le saucisson, il y a le pain, il y a la peinture... »

EM. : - Selon vous, que doivent apporter les films cinématographiques au spectateur ?

MH. - « Pour moi, le cinéma comme toute chose qui rentre dans la communication, dans l’information et dans la dimension artistique, le cinéma doit permettre à l’individu de s’épanouir et être plus sensible aux choses, d’être plus critique et somme toutes le cinéma doit permettre d’éduquer le citoyen, de le rendre plus civique. »

EM. : - Ne croyez-vous pas qu’il soit difficile de demander au public d’effectuer « (...) la démarche d’une véritable culture cinématographique (...) » ? N’en demandez-vous pas finalement trop au public ? Si non, est-ce le public qui n’exige pas assez de lui même.

MH. - « Non, aujourd’hui, on n’en demande très peu au public, c’est le contraire ». « Le public n’y est pour rien ; on l’a formé à regarder de la médiocrité, il est formé de fait à regarder de la médiocrité à la télévision et à consommer tout de la même manière donc il n’est pas demandeur de choses trop difficiles et il n’y est pour rien, c’est comme ça ! ». « Oui, éduquer de temps en temps le spectateur ; mais éduquer ne veut pas dire pénible et intellectuel... »

EM. : - Craignez-vous que le cinéma d’Art et d’Essai devienne rapidement un art préhistorique ?

MH. - « Le cinéma artistique peut effectivement être réduit à la portion congrue comme tous les arts peuvent être réduits à la portion congrue à partir du moment où les sociétés, par les difficultés qu’elles subissent considèrent que l’art c’est quelquechose qui est inutile, et que ma foi, on peut réduire la chose. Un société qui réduit l’art réduit l’éducation qui a tendance à réduire l’école et puis on arrive à une société primitive d’essence fasciste. Ca c’est bien connu, il n’y a qu’à regarder ce qui s’est passé dans l’histoire. »

EM. : - Quelle définition aimeriez-vous voir apparaître au mot "cinéma" dans un dictionnaire ?

MH. - « Honnêtement, je ne sais pas. Cinéma, au sens mécanique du terme : "reproduction d’images animées sur un écran ; dispositif qui consiste à faire et enregistrer un film et à le projeter dans une salle de spectacle sur un écran.". Ca peut être aussi : "reproduction animée d’images appelée le Septième Art". Pour moi, le cinéma c’est le premier dispositif : le cinéma n’a d’existence que si vous le projetez dans une salle et qu’il y a des spectateurs dans la salle ; s’il n’y a pas de spectateur, il n’a pas d’existence. »

Je laisse au lecteur le soin de porter son propre jugement sur les propos tenus par Monsieur Humbert. Cependant, il me semble que ce dernier est très clair et ces propos ont le mérite d'avoir l'avis d'un homme confronté tous les jours aux problèmes inhérents à la gestion d'un cinéma d'Art et d'Essai.

LE NON-ENTRETIEN AVEC MONSIEUR MICHEL MERCERON DE l'U.G.C.

Malencontreusement, malgré de très nombreux appels durant plus de deux mois, il ne m'a été possible ne serait-ce que d'avoir Monsieur Merceron au bout du fil. Je n'ai donc pu convenir avec lui d'un entretien et je le déplore car je comptais faire de cet entretien une réponse aux propos de Monsieur Humbert.

Il me semble important de remarquer qu'un responsable comme Monsieur Merceron n'a pu trouver le temps de consacrer seulement une dizaine de minutes pour une activité qui n'est pas directement liée à sa profession de directeur des salles U.G.G. sur Nancy. Je pense que cela reflète bien la situation concernant la politique de ce type de chaîne de salles cinématographiques : une personne relativement haut placée dans cette entreprise ne semble pas pouvoir se permettre de perdre du temps avec un inconnu qui n'a rien à lui apporter.

C'est peut-être ce goût aigre qui traine depuis plusieurs jour durant lesquels je réitère avec opiniâtreté mes tentatives de prise de contact avec Monsieur Merceron qui me rend légèrement partial : tout de même, un tel responsable ne semble pas imaginer qu'il a quelquechose à gagner s'il octroie dix minutes de son temps professionnel à un quidam. Ou alors est-il victime de la pression de ses supérieurs hiérarchiques qui ne le payent certainement pas à rien faire, encore moins à perdre son temps avec des étudiants naïfs et niais ?

Hautain ou victime, ce fait illustre bien l'état d'esprit qui règne dans une telle entreprise de gestion de salles de cinéma : il faut être rentable à tout prix !

ETUDE COMPAREE DES DEUX CENTRES DE PROJECTION

Comme il ne m'a pas été permis d'articuler mon étude sur les différences de points de vue de chacun des protagonistes, j'ai du me rabattre sur d'autres sujets de comparaison. J'aborde tout d'abord l'apparence des deux salles de cinéma, puis leur programmation respectives.

L'apparence des salles

Il m'a semblé profitable de décrire la physionomie des salles de projection du Caméo et de l'U.G.C. : selon moi, il est important de s'attacher à l'apparence d'une salle de projection cinématographique ainsi que de son environnement afin de juger de l'idée que se font leurs responsables. Même si l'habit ne fait pas le moine, certains détails restent révélateurs et l'on se rend immédiatement compte qu'il existe un fossé flagrand entre l'apparence de ces deux cinémas nancéens.

Apparence du Caméo ou Cinéma Paradisio

Les quatre salles du Caméo de Nancy se situent Rue de la Commanderie, une petite rue pavée, jonchée de petits commerces ça et là. Il n'existe qu'un seul accès aux salles. Les affiches des films ne prennent pas une place démesurée mais sont assez riches puisqu'elles permettent en général de se renseigner dans le détail sur les films à venir. Chose pittoresque qui rappelle "Cinéma Paradisio", on entend et l'on peut observer de l'extérieur une cabine de projectionniste qui donne directement sur la rue. Le spectateur achète ses places à une personne qui se trouve dans une petite cabine. La taille de ces salles est modeste sans être ridicule; chacune de ses salles a sa propre identité - dédiée à Félini par exemple - et lorsque l'on entre dans une de ces salles, on se souvient souvent encore du dernier film que l'on y a visionné. Le public : en général des étudiants et toute un public bigarré; en général, des gens respectueux et aimables.

Tout contribue à faire de ce cinéma un petit lieu tranquille, loin des tensions de la foule qui se rue sur les places comme à la foire aux monstres.

Apparence des salles U.G.C. à Nancy ou les bureaux de Wall Street

Les salles de cinéma U.G.C à Nancy sont divisées en deux centres : le premier se trouve en haut de la Rue Saint-Jean (l'U.G.C. Saint-Jean dit aussi l'U.G.C. Prestige), une des rues les plus fréquentées de Nancy, l'autre dans une autres rue proche de la première Rue Léopold Lallement, également très fréquentée mais moins alléchantes que la première (l'U.G.C. Saint-Sébastien). Je ne parlerai pas de l'U.G.C. Ciné Cité qui se trouve à Ludres, dans la proche banlieue de Nancy et qui vient d'ouvrir ces portes, car je n'ai pas eu l'occasion de m'y rendre. Toutefois, ce nouveau super complexe est révélateur de la politique d'expansion des cinémas U.G.C. qui semblent bien compter conquérir le marché et s'installer en position de monopole sur l'agglomération de Nancy. Impossible de manquer les affiches puisqu'elles constituent un panneau publicitaire de premier ordre; certaines affiches sont même redondantes pour être sûr de ne pas les manquer.

Mais surtout, ce qui fait la particularité de ces salles U.G.C., c'est leur aspect intérieur uniforme : lorsqu'on veut entrer dans une salle, on est tout d'abord accueilli dans un hall centré sur un comptoir où l'on peut se repaître de pop corns, bonbons, glaces, sodas en tous genres. Si la salle de l'U.G.C. Saint-Sébastien reste encore assez sobre, celle de l'U.G.C. Prestige ne peut laisser de marbre tant on a l'impression d'explorer un faisseau spatial dernière génération lorsque l'on foule le hall d'entrée banalisé par les écrans de téléviseurs qui donnent cette signature si high technology au lieu. Et ce sont ces charmants hôtes et hôtesses parés d'un costume haut en couleur qui font office de spationautes. Et si vous désirez patienter quelques instants, vous pouvez consommer une collation tranquilement assis dans une petite salle d'attente d'un cachet indéfinissable. La couleur fétiche de l'U.G.C. : le bleu royal que l'on peut d'ailleurs retrouver à Paris comme à Nantes ou dans n'importe quelles autres salles U.G.C. de France et de Navarre. Dans les salles U.G.C., il ne peut y avoir de faute de goût puisqu'elles sont toutes si royalement et identiquement décorées. Une chose est sûre, U.G.C. n'a pas lésiné sur le prix pour attirer l'œil du passant ou du spectateur.

La programmation des salles

Plus important que l'apparence et l'environnement d'une salle de cinéma dans lesquels on ne fait finalement que passer, ce qui n'est indéniablement pas le propos du cinéma, il est primordial de s'attacher à la programmation des films qui y sont projetés. Encore une fois, on notera les divergences d'intentions concernant le panel des films cinématographiques proposés.

Programmation du Caméo : de Hong-Kong à Tunis en passant par Amsterdam

Ce qui caractérise la programmation du Caméo c'est la richesse : richesse dans la diversité des films, richesse dans le nombre de films projetés dans une relativement petite infrastructure, mais aussi richesse de pouvoir suivre des rétrospectives de films de tout âge depuis la création du cinéma. Cette diversité peut être consultée dans la revue du Caméo qui est bimestriel et qui présente de façon relativement succinte les films à venir.

Un exemple : la revue du Caméo

Prenons l'exemple de la revue des mois décembre-janvier 1997-1998 : au total, une quarantaine de films proposés. De plus, le Caméo propose régulièrement des rétrospectives de trois films d'un réalisateur (en décembre, Danny Boyle est à l'affiche pour "Petits meurtres entre amis", "Trainspotting", "Une vie moins ordinaire" en avant-première), ainsi que des rencontres avec des réalisateurs ou des acteurs de certains films en avant-première (en décembre, Jackie Berroyer pour le film "Je ne vois pas ce qu'on me trouve" de Christian Vincent). Le Caméo propose également des soirées de cinéma à thème (en janvier, soirée "Cinéma et homosexualité" en collaboration avec l'association "Homonyme") qui répondent à une curiosité intellectuelle prononcée. De même, en fonction de la période de l'année et des événements à venir, le Caméo propose des périodes à thème (pour que les enfants - ou les plus grands par ailleurs - ne soient en reste le Caméo propose durant les fêtes de Noël une série de dix films ou dessins animés avec la participation de la Ville de Nancy) souvent en collaboration avec des associations, dans une politique d'insertion du cinéma.

Avant tout, les films projetés au Caméo ont des origines très diverses : pour cette même revue, huit des films programmés sont français, dix sont américains, ce qui laisse la place aux autres films étrangers qu'ils soient anglais ("Welcome to Sarajevo" de Michael Winterbottom), autrichiens ("Funny games" de Michael Haneke), néerlandais ("Amsterdam global village" de Johan van der Keuken), lituaniens ("The house" de Sharunas Bartas), tunisiens ("Essaida" de Mohamed Zran), japonais ("Okaeri" de Shinozaki), de Hong-Kong ("Happy together" de Wong Kar-Wai)... De plus, la plupart des films projetés au Caméo sont proposés en version originale, ce qui ne dénature pas le film au niveau de la traduction et au niveau de l'ambiance sonore.

Les films à l'affiche

Et pour prendre un exemple précis, attachons-nous aux films à l'affiche durant la semaine du mercredi 7 au mardi 13 janvier 1998. Le programme du mercredi au mardi suivant est consultable grâce aux tracts que le Caméo édite chaque semaine et sur lesquels il est possible de connaître le type de bande diffusée (version originale ou version autre), ainsi que le réalisateur du film. Sont à l'affiche... Une multitude de films cinématographiques, de tous les horizons, et il suffit de s'en référer au tract pour s'en apercevoir. Au total, dix-neufs films pour quatre salles sur une semaine. Autant dire que la programmation est calculée au millimètre près.

Art et Essai ne rime pas nécessairement avec succès

Ce qui caractérise aussi les films projetés dans des salles de cinéma comme le Caméo, c'est aussi le risque que prennent les responsables de la programmation en faisant découvrir un film dont on ne parle pratiquement pas. Je crois que c'est le lot commun à toutes les salles d'Art et d'Essai qui savent pertinemment qu'elles ne rentreront pas forcément dans leur frais pour tous les films. Ce seront les bonnes affaires réalisées sur les films qui ont beaucoup plu qui compenseront les échecs. Quoi qu'il arrive, tant de richesse en fait appel à la curiosité du spectateur et développe en lui le goût de l'original.

Programme du Caméo du mercredi 7 au mardi 13 janvier 1998

De plus, le Caméo n'hésite pas à afficher ouvertement et sans complexe ses tarifs détaillés sur ces tracts.

Tarifs pratiqués par le Caméo au lundi 12 janvier 1998

Programmation de l'U.G.C. : de New-York à Paris sans escale

La revue : quelle revue ?

Force est de constater qu'il est bien difficile d'obtenir une revue de présentation des films dans les salles U.G.C., bien qu'il paraîtrait que de telles revues existent : le motif de ce manque de revues, la sortie de "Titanic" de James Cameron, le film qui représente le plus gros budget du cinéma mondial de tous les temps. Allez comprendre...

Les films à l'affiche

L'avantage que présente cette chaîne de cinémas réside certainement dans le nombre de salles dont elle dispose : onze salles de projection. Si l'on s'intéresse à nouveau aux films à l'affiche durant la même période que précédemment, on remarque une hégémonie des cinémas français et américain : "Titatic" de James Cameron - la super production du siècle qui est projeté à la fois à l'U.G.C. Saint-Jean et à l'U.G.C. Saint-Sébastien pour être sûr de ne rater aucune entrée - "Demain ne meut jamais" de Roger Spottiswoode, le dernier de la série des James Bond et qui semble se faire le vecteur publicitaire de trois entreprises internationales, à savoir BMW, Ericson et Avis, "Sept ans au tibet" de Jean-Jacques Annaud, "Hercule" de l'entreprise Walt Disney Pictures, "Le collectionneur", "Le cousin" d'Alain Corneau, "Un grand cri d'amour" de Josiane Balasko, "Spiceworld" de Bob Spiers (peut-être le seul film d'un réalisateur ni français ni américain), "Alien la résurrection" de Jean-Pierre Jeunet, "Le bossu" de Philippe de Broca, "Casper" un dessin animé, "La voie est libre" en avant-première de Stéphane Clavier, " L'associé du Diable" également en avant-première. Au total pour l'U.G.C., seize films pour onze salles sur une semaine. De plus, ces films sont le plus souvent projetés en version française, ce qui répond à l'attente de la majorité des spectateurs et donc assure une certaine fréquentation; malheureusement, les versions non originales peuvent ôter beaucoup au film, surtout quand on sait à quelle vitesse ces traductions doivent être faites pour pouvoir rester compétitif.

Une autoroute parsemée de diamants : luxe, calme et banalité

Ce qui choque dans les salles de cinéma de l'U.G.C., c'est ce mouvement de banalisation accompagné de sa promotion omniprésente. Cette banalisation se manifeste par le choix des films projetés : les responsables de ce type de grosses chaînes de cinéma n'ont pas l'air d'être prêts à prendre le moindre risque en projetant un film à budget réduit par rapport aux films qu'ils projettent habituellement. Comment le pourraient-ils puisque leur industrie doit avant tout leur rapporter un bénéfice conséquent ! Chaque film doit permettre de rentrer dans ses frais. D'autant plus qu'ils se font parfois les co-producteurs de films diffusés dans leurs salles, et dans ces conditions pas question de choisir des réalisateurs qui ne fassent pas l'unanimité de la critique et de ses éloges. Le résultat de cette politique : la projection d'une série de films cinématographiques sans risque et sans danger. De cette manière, ce type de cinéma n'en appelle pas à l'initiative du spectateur qui est guidé par le choix des responsables de la programmation qui le font incidueusement sombrer dans une vulgarité forcenée - ce qui n'est pas le propos de l'art me semble-t-il. Ce nombre restreint de films ainsi que leur identité assez semblable finit par émousser la curiosité du spectateur qui est par avance guidé à cause d'une programmation où l'on est sûr d'en ressortir pour son argent, car chez U.G.C., le spectateur achète un produit et on ne doit pas le décevoir. D'ailleurs, ce type de salles de cinéma fait le jeu des super productions et réservent d'emblée ses salles pour ces dernières; finalement peu importe la qualité d'un film comme "Titanic", son seul budget justifie que les responsables de l'U.G.C. le projettent dans deux salles car la majorité voudra jeter un coup d'œil à cette attraction : des entrées en perspective, voilà un critère bien solide.

Programme des U.G.C. de Nancy du mercredi 7 au mardi 13 janvier 1998

Et pour ce qui est des tarifs appliqués, on peut dire que les cinémas U.G.C. ne sont pas très prolixes sur le sujet, bien qu'ils pratiquent des réductions pour un seul dessin-animé destiné aux tout jeunes. Pas étonnant qu'avec tout l'argent que les responsables ont investi dans le décor des salles d'attente et dans la publicité le spectateur se voit acculé à payer en moyenne quarante-cinq francs sa place de cinéma !

Tarifs promotionel des cinémas U.G.C. au lundi 12 janvier 1998

 

LES PAILLETTES D'UN ERSATZ DE LA FOIRE HOLLYWOODIENNE

A lire cet article, le lecteur se forge une opinion sur le niveau culturel qui gravite autour du complexe Cité Ciné de Ludres, dernier né de l'industrie U.G.C. : le paraître, les paillettes, le spectaculaire qui doivent ennivrer le spectateur et lui donner l'impression d'entrer à la fois à Hollywood et au parc Disneyworld. A quand la piscine-cinéma dans laquelle on peut barboter en sirotant un soda et accessoirement regarder un film ? Sans autre commentaire...

Coupure parue dans Nancy Loisirs de janvier 1998

Publicité distribuée dans les casiers des élèves de l'Ecole des Mines

UN CHOIX DE CINEMA EN FONCTION DU SPECTATEUR

Il me semble important de modérer quelque peu mes propos qui, il me faut désormais l'admettre, jouent largement en la défaveur de l'U.G.C. vis-a-vis du Caméo. Je souhaiter réhabiliter dans cet exposé le cinéma dit de masse puisqu'il présente un intérêt certain. En effet, j'ai la conviction que le spectateur se rend dans tel ou tel cinéma en fonction de son profil, terme à prendre dans son sens le plus large. Je veux bien entendu parler du spectateur à peu près civilisé, à savoir cinéphile ne serait-ce que débutant.

Un barbare au ciné

Pour le barbare, celui qui ne perçoit dans le cinéma qu'une succession d'images et de sons auxquels on a coupé la pensée, il me semble naturel de se rendre au premier cinéma venu, c'est-à-dire en général au cinéma des grosses chaînes comme U.G.C. ou Gaumont qui sont les plus nombreuses, d'autant plus s'il n'a pas prévu à l'avance le film qu'il veut voir. Ce type de spectateur est voué à ne voir que les films dits à grand spectacle ou grand public. D'une part, dans le cas des films à grand spectacle et pour reprendre ce que dit Monsieur Humbert, il semble que l'approche du cinéma de ce type de télespectateur est comparable à celle liée au comportement de l'individu qui se rend dans une foire pour essayer les tout derniers manèges les plus intenses en émotions. A mon avis, ce type de cinéma s'inscrit dans une logique où l'on en fait appel uniquement aux émotions et aux sensations du spectateur, tout l'art consistant à ce que le spectateur puisse mettre son cerveau sur la fonction de veille et qu'il se prenne liéralement au jeu - toujours merveilleux, il faut le reconnaître - du son et des images. Remarquons que certains de ces films à grand spectacle relèvent bien souvent de la prouesse technique au niveau des conditions de tournage, du montage, de ses trucages et de ses effets spéciaux. D'autre part, dans le cas du cinéma grand public, on remarque bien souvent que le réalisateur s'efforce tant bien que mal à répondre à une attente commune, finalement formulée de manière explicite : par exemple, des éléments comme le sexe, la passion, la violence et l'action sont les ingrédients d'une catharsis réussie. Dans ce type de cinéma, il n'y a finalement pas souvent de place faite à la surprise et l'on se demande si parfois, les réalisateurs acoquinés aux producteurs ne réalisent pas au préalable une étude de marché pour savoir si un film rencontrera, non pas prioritairement du succès, mais connaîtra une forte fréquentation (même si dans ce cas, les deux termes sont homonymes).

Les travers du cinévore

Pour le cinéphile averti, pour celui qui a fait du cinéma son art majeur, il apparaît qu'il est bien plus difficile de répondre à ses exigences. Je crois que cela tient dans le fait que ce type de spectateur refuse les recettes toutes faites : il veut avant tout découvrir une nouvelle cuisine. Mais attention, pas avec n'importe quel type d'ingrédients ! Dans ces conditions, il y a peu de chances que vous fassiez la rencontre de cet individu à la sortie des salles des grosses chaînes. L'image que je me fais de ce type de personne : parfois un peu snob tout de même lorsqu'elle ne se complaît que dans les films d'Art et d'Essai croates du réalisateur yougoslave Wivla Trihstez. Je préfère m'en tenir là car il serait indéscent de parler de ce que je ne connais absolument pas...

Le quidam

Pour l'amateur de cinéma lambda, il semble que le choix d'un type de cinéma ou d'un autre ne soit pas fixé à l'avance. En fonction de l'humeur du spectateur, de l'état d'esprit de ses accompagnateurs, celui se dirigera plutôt vers les salles des grosses chaînes où l'on peut retrouver tous les derniers films dans le vent, ou vers les salles de cinéma d'Art et d'Essai où il lui sera possible de voir des films cinématographiques à plus petit budget, autour desquels peu de publicité a été faite.

 

MES CONCLUSIONS

Indéniablement, des cinémas comme le Caméo et comme l'U.G.C. s'opposent dans leur style. Ils s'opposent à la fois dans leur apparence et dans les services annexes qu'ils proposent mais cela ne tient qu'à un aspect purement matériel. La plus grande opposition réside certainement dans le produit qu'ils proposent : d'un côté pour des chaînes de cinéma comme l'U.G.C., la location de places est un véritable fond de commerce où ce qui compte, c'est avant tout que l'entreprise dégage un profit maximum et l'on peut véritablement parler de produit; peu importe finalement la qualité des films proposés. Parfois il s'avère que ces films sont artistiques, parfois ils ne sont que purs produits d'appel vantés par une publicité plus qu'ostentatoire, et qui met en avant une politique de colonialisation qui doit mener à une situation de monopole. D'un autre côté, pour les cinémas d'Art et d'Essai comme le Caméo, la location de place est un moyen de subsistance pour les responsables des salles : ces derniers ne semblent pourtant pas essayer de tirer le maximum de profit des films cinématographiques diffusés, mais seulement de rentrer dans leur frais. Pour être persuadé de cette nuance fondamentale, on notera que ces types de cinéma ne recherchent pas une expansion mais veillent avant tout à proposer du cinéma de qualité. La qualité étant une notion bien relative en matière d'art - ne doit-on pas parler du septième art ? - il est possible de s'entendre sur le fait que la qualité d'une programmation réside indéniablement tant sur la multitude des films diffusés que sur leur diversité concernant leur origine.

Bien entendu, les cinémas d'Art et d'Essai n'existent que par opposion aux autres types de cinéma; c'est aussi ce qui leur confère d'ailleurs un charme indéniable. Je crois que cet affrontement reste très positif et qu'il remet toujours en question les perspectives des deux côtés. Cette bataille non avouée que se mènent Caméo et U.G.C. incite bien aujourd'hui les producteurs à en demender de plus en plus aux réalisateurs : restons optimistes car cela ne pourra qu'élever la qualité du cinéma si chacun s'efforce de justifier sa position.